Détention [PV : Rukia]

Évidemment, il fallait que ça lui tombe dessus. Comme si il n'y avait pas d'autres larbins à qui on pouvait confier ce genre de tâches profondément ennuyeuses et inutiles. Ses camarades de la 6è Division prenaient un malin plaisir à le traiter comme le dernier des larbins, peut-être de façon pire encore qu'avec ceux de la quatrième Division, c'est pour dire à quel point ils y allaient. Enfin, quoique cette tâche là par contre relevait d'un certain intérêt, un intérêt que les autres imbéciles de sa Division ne pouvaient comprendre...

Les bras chargés d'un plateau repas, garnis de divers mets, Takumi progressait lentement vers la zone où se situaient les cellules de détention, là où étaient séquestrés les Shinigami coupables de crimes avant que leur sentence ne soit prononcée et jusqu'à celle-ci parfois. Arrivant devant l'entrée du complexe, Takumi fit face aux deux gardes puis prit le plateau d'une main, pour attraper dans son kimono une lettre qu'il tendit aux gardes. Celle-ci indiquait que sa fonction consistait à apporter le repas à la présumée criminelle Kuchiki Rukia. Impossible de refuser l'accès au jeune Shinigami, elle était marquée de la signature du Capitaine Kuchiki lui-même.

Les deux Shinigami ouvrirent la porte et s'écartèrent, pendant que Takumi progressa à travers les couloirs, entendant les gémissements plaintifs, parfois les pleurs, des Shinigami enfermés en ce lieu. Quelle ambiance... Pas étonnant que ce soit une tâche réservé aux recrues comme lui ou aux larbins de la quatrième Division. Après plusieurs détours de couloirs, l'entrée de la cellule réservée à Rukia Kuchiki finit par lui apparaître, et il poussa la porte pour pouvoir entrer.

Le silence... Takumi eut presque un frisson en entrant, qu'il était pesant. Le Shinigami avança vers la grille, puis observa la jeune femme assise sur une chaise, l'air abattue visiblement.

" ... Kuchiki Rukia? " demanda t-il sur un ton froid.

Il posait la question, mais la réponse venait d'elle-même, à moins que son sens de l'orientation soit à revoir car il se serait trompé de cellule. Lentement, Takumi fit passer le plateau à travers une fente horizontale prévue à cet effet.

" J'espère que tu as faim... "

Rukia ne prit même pas la peine de relever les yeux. Assise là, le regard dans le vide et la tête baissée, elle avait entendu qu'on lui parler, comprit les mots, sans y accorder trop d'importance. Elle ne parvenait plus, depuis son incarcération, à trouver une once d'espoir ou de gaité en elle. Comme si tout avait été étouffé. C'était probablement normal, après tout. Personne ne voulait écouter ses raisons, au point qu'elle ne cherchait même plus à s'expliquer. Et en prime, elle était promise à la peine capitale. Qui aurait pu être encore de bonne humeur ?
C'est sans relever les yeux, toujours, qu'elle soupira longuement avant de répondre au garde d'une voix froide, monotone, presque morte, même.

« Quel intérêt ? Nourrir un prisonnier, en prendre soin, pour mieux l'exécuter ensuite. C'est presque de la cruauté. Non, pas presque, même. »

Elle se leva lentement, dans une posture raide, et alla prendre le plateau comme un zombie, y jetant à peine un regard. Pour une condamnée, elle n'avait même pas le droit à quelque chose de bon. La même nourriture pour tout les prisonniers. Pas de favoritisme, pas de Dernier repas.
Un nouveau soupire plus tard, la jeune shinigami reprenait sa place sur sa chaise et se mettait à manger machinalement. Elle se restaurait uniquement parce que son corps l'exigeait, et qu'elle n'avait pas la volonté de se battre contre quoi que se soit. Un autre qu'elle aurait peut-être préféré se laisser mourir, pour faire un pied de nez à cette « justice » en choisissant sa propre mort.
Mais elle, non. Malgré la force de caractère qu'elle voulait faire voir, elle était bien trop faible. Et la mort l'effrayait trop, même alors qu'elle savait que c'était désormais inévitable.

Rukia s'arrêta entre deux bouchées, et soupira. Elle avait l'impression que son garde n'était pas encore partit. Elle releva finalement les yeux sur lui. Elle n'en fut pas plus émue que cela, mais lui, en revanche, pouvait maintenant voir clairement l'abattement et le découragement qui l'habitaient. Il restait toujours une petite étincelle de vie, mais qui n'avait plus l'air de tenir à grand chose. Chaque jour qui la rapprochait de sa sentence voyait cette dernière flamme rapetisser.

« Vous attendez pour pouvoir regarder celle qui à trahit, et a, allez savoir pourquoi, le privilège d'une exécution réservée aux Capitaines ? »

Elle avait prit le pli des accusassions, moqueries, et autres choses du genre. Ça ne l'atteignait presque plus, d'ailleurs. Elle se remit à manger, sans baisser les yeux. S'il comptait faire comme d'autres gardes l'avaient fait avant elle, qu'il ait au moins le courage de la regarder en face, au lieux de profiter de son abattement.

Takumi restait planté devant la cellule, la regardant se plaindre et gémir faiblement, marquant néanmoins un point en parlant du fait que ça ne servait pas à grande chose de se nourrir si c'était tout simplement pour mieux mourir. Takumi était loin d'aimer ce genre de pratique, mais c'étaient les ordres, et il n'était qu'un Shinigami parmi tant d'autres, ce n'était pas à lui de juger les actions de ses supérieurs. Takumi croisa les bras en fixant la jeune condamnée à mort.

Le jeune Shinigami à la chevelure de jais l'observa en train de déguster son repas en faisant une grimace entre chaque bouchée de pain. Intérieurement, ça le faisait bien rire : cela devait la changer de la nourriture probablement de haute qualité qu'on lui servait dans la demeure des Kuchiki. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que le seul avantage qu'avait les plateaux repas qu'on servait à un Shinigami normal, comme lui, c'était que la nourriture avait un meilleur aspect, mais pas forcément un meilleur goût, loin de là. Ne dit-on pas que plus une armée est puissante et moins sa nourriture est bonne?

Puis elle finit par porter à nouveau son attention sur lui, qui était resté clouer devant la cellule sans bouger pendant plusieurs minutes, l'observant se plaindre et manger.

" Hum... Non merci, ce genre de spectacle ne m'intéresse pas le moins du monde, je préfère encore supporter les plaintes et la fainéantise du Vice-Capitaine Abarai. "

Takumi attrapa alors une chaise située dans un coin de la pièce et la traina jusque devant la cellule pour s'y asseoir, croiser les bras et les jambes. Cette position était bien mieux adapté et plus surtout plus confortable...

" Et pour répondre à ton autre question, si je devais choisir, je crois que je préfèrerais mourir devant des capitaine, avec un minimum de fierté et assumant mes erreurs, plutôt que de me laisser mourir de faim dans une cellule miteuse avec pour seule témoin la vermine. " dit-il sur un ton sec et froid. " Encore une chose, inutile de me vouvoyer, tu es Shinigami tout comme moi... "

A la mention de Renji, Rukia se figea. La main levée, un morceau de pain près de sa bouche, elle resta quelque secondes sans bouger un muscle. Dans sa tête lui revenait tout un tas de souvenir, de son enfance au Rukongai avec lui jusqu'à leur apprentissage commun à l'académie formant les Shinigamis. Puis, finalement, ce soir où il était descendu dans le monde réel pour la capturer et la ramener à la Soul Society.
La jeune femme eut envie de pleurer, mais se fit violence. Elle refoula ses larmes et sa tristesse, de même que le sentiment d'avoir été trahie par un ami, qui montait en elle. Quand elle se remit en mouvement à peine quelques petites secondes plus tard, il semblait ne s'être rien passé.

Elle attendit que son geôlier ait finit, et d'avoir avalé sa bouchée, avant de répondre. Mais pendant ce temps, elle réfléchit vaguement à quoi lui dire. Expliquer ses raisons et son choix était inutile, il ne la croirait pas, comme les autres, ou il ne comprendrait même pas. Essayer ne servait plus a rien depuis longtemps, déjà...

« Fierté... Quelle fierté... On me traîne dans la boue depuis que l'on m'a arrêtée et capturée pour trahison, on raconte tout et n'importe quoi, jusqu'aux pires histoires pour expliquer mon geste. Où est la fierté, là-dedans ? Même Nii-s... Même le Capitaine Kuchiki semble y prêter foi. Non, la fierté n'est plus un luxe que je peux me payer, ici, seule, dans cette cellule à attendre la mort, avec à peine un kimono sur le dos... »

Et c'était littéralement le cas. La logique la dépassait, mais elle n'avait en tout et pour tout que ce kimono blanc et la ceinture allant avec, à porter. Comme si elle pouvait cacher une arme dans ses sous-vêtements, sérieusement ? Il n'aurait plus manqué qu'il fasse froid, et elle se serait sentie bien misérable. Et c'était déjà bien assez désagréable d'être détaillée et observée par des geôliers gloussant, alors qu'elle avait si peu sur le dos.

Elle releva une nouvelle fois les yeux vers son garde et, tant dans son regard que sa voix, perça un détail de poids. Elle croyait véritablement à ce qu'elle disait.

« Ma fierté m'a été retirée sans préavis au moment même où il a été décidé que j'avais commit un acte de trahison, ainsi que les privilèges de mon nom. Ce n'est plus une chose que je possède ou qui peut m'importer, maintenant. Je ne suis plus qu'une condamnée qui atteint son exécution. Et pour couronner le tout, même si j'avais des derniers désirs, ce qui n'est pas le cas, aucun ne serait respecté. Personne ne s'en préoccuperait. Tout ce que je peux faire, c'est attendre, et tenter de me distraire du peu que l'on m'ordonne. »

Et même si elle avait du mal à se l'admettre, elle préférait largement qu'on lui fasse faire quelque chose, n'importe quoi, que de rester inactive. L'attente mettait ses nerfs à plus rude épreuve que devoir assouvir les exigences de quiconque.

Takumi continuait de la fixer, ses yeux rivés sur elle et son visage exprimant la tristesse, la colère, l'incompréhension, et l'abandon. Le jeune Shinigami percevait très nettement la résolution dans sa voix, celle de mourir dans à peine quelques semaines... Mais ceci dit, peut-être n'était-ce qu'une impression chez lui, on aurait dit que malgré sa condition de condamnée à mort totalement admise, ouvrant ses bras à la mort, elle ne demandait que cela, continuer à vivre...

C'est alors que le jeune se mit à ricanner, ce qui était drôlement déplacé vu le sérieux de la situation. Elle lui parlait d'une mort sûre et certaine, dans les pires conditions humaines qui soient, dans la saleté et le déshonneur, mais lui trouvait encore à rire.

" Très ironique, vous ne trouvez pas? C'est votre grand-frère, le Capitaine de la Sixième Division, Kuchiki Byakuya, qui a fait accéléré votre mise à mort, et c'est lui qui envoie un de ses propres hommes pour vous accompagner jusqu'à l'échafaud. C'est culoté... "

C'était ironique, et contradictoire aussi : pourquoi l'envoyer tenir compagnie à une futur défunte alors qu'il a tout fait pour l'écraser devant les autres, la réduire plus bas que terre, et pour finir qu'il a achevé en avançant son exécution? Quel intérêt y avait-il pour lui de l'envoyer ici? Les voies du Capitaine étaient décidément des plus impénétrables...

Takumi se leva alors, et alla chercher dans le coin de la pièce où il avait trouvé sa chaise un autre appui, qu'il plaça juste devant celle qui lui servait pour s'asseoir. Ainsi, il prit encore plus ses aises, en s'asseyant sur une des chaises, et posant ses pieds sur celle juste devant, regardant toujours Rukia derrière ses barreaux... Dans cette position, il réfléchissait, cherchant un moyen pour lui et pour elle de faire passer le temps, puis qu'ils étaient reclus dans cette prison...

" ... J'ai bien une idée, oui. J'aimerais que tu me parles... Du monde des humains. " demanda t-il soudainement. " Contrairement à une grande majorité des Shinigami qui est née dans la Soul Society, moi j'étais humain à la base. Je suis mort en 1944, il me semble, et si je fais bien le calcul, il s'est écoulé un peu plus de 60 ans dans le monde des humains... Il a du changer depuis le temps. "